Edoras Terrik, chevalier et ménestrel

Première Partie : Garou, le Bossu


La vie du jeune messire Edoras était plutôt paisible. Un père noble Seigneur, une mère noble Dame, des chevaux, un castel, un fief, plein de manants à qui jeter du poulet à terre, au moment des repas, quelques gueux à protéger, des bourgeois qui payaient régulièrement leurs impôts... l'insouciance, quoi.

Puis un jour, son père fut envoyé combattre pour Apollon, comme son père avant lui. Et le père de son père. Et le père du père de son père. Et le père du père du père de son père. Et le... bref, c'était comme qui dirait une tradition familiale, comme d'autre se transmettent la recette du poulet marengo ou du cassoulet.

Son père, Sire Terrik, vint aisément à bout de sa mission, et bouta les loups-garous hors de son fief. Il se fit même collectionner un collier en dents de loups. Ce n'était peut-être pas forcément du meilleur goût, mais cette anecdote est destinée à illustrer son courage guerrier, pas sa sensibilité artistique.

Alors qu'il paradait dans les rues de sa bonne ville, sur son étalon fringant et fier, escorté de sa garde d'honneur et suivit par ses piquiers nombreux et biens armés (bref, il se la pétait), un évènnement terrible arriva. Un Garou (bossu, de surcroît) qui s'était dissimulé dans la foule, grâce à la bonne vieille recette de la mère-grand fourrée sauce chasseur, fondit sur le noble seigneur et lui mordit le bras jusqu'à ce qu'il craque comme une brindille. Enfin, sauf qu'une brindille, ça ne craque pas en projetant du sang et des lambeaux de chair sur la foule en panique.

Alors que tout le monde hurlait ou s'enfuyait, un écuyer eut la présence d'esprit de tendre son épée à son seigneur, dont le bras encore valide était occupé à essayer de le maintenir à cheval. Aussitôt, le-dit seigneur transforma son saigneur en hachis. On transporta le blessé dans sa chambre seigneuriale, et la dépouille du loup dans la fosse commune. Puis, on nettoya les plaies sanguinolentes du premier à l'aide d'eau fraiche et d'alcool (ce qui lui fit serrer les dents), tandis qu'on recouvrait le deuxième de chaux vive.

Dame Terrik, alertée, paniquée, interloquée, dignement indignée, voire carrément en pleine crise d'hystérie (selon les opinions des divers témoins interrogés), parvint à surmonter l'épreuve afin de veiller son époux. Les médecins étaient formels : certes, le Garou l'avait saigné à blanc, mais les saignées médicales et un bon bouillon de poule devraient le remettre en état sous peu. Ils trouvaient par contre inquiétant que leur patient hurle à la mort en ordonnant à qui pouvait l'entendre de faire pendre ces dignes médicastres, et d'aller plutôt lui quérir quelques guérisseurs elfes étrangers.

Apprennant la nouvelle, le jeune Edoras, encore écuyer, resta à prier Apollon dans la chapelle. D'autres disent qu'il organisa en réalité une bacchanale avec quelques amis, orgie durant laquelle il composa une chanson, mangea deux kilos de boudin, but trois litres de vin et spiritueux divers, et vomit par quatre fois. Enfin, certains osent également parler de cinq pucelles qui ne l'étaient pas tant, mais il faut bien avouer que ce jeune homme avait une santé de fer et que, de plus, nous étions en hiver et les soirées étaient longues.

C'était un soir de pleine lune. Et qu'arrive-t-il aux gens mordus par des Garous, les soirs de pleine lune ?
Ils mordent leur femme, lesquelles sont assez sottes pour croires que leur amour les protègera de la furie d'un monstre infernal avide de sang. La Dame apprit donc à ses dépens que la réalité ne se passait pas vraiment comme dans les histoires des ménestrels.

Ses parents croqués, et avec eux la moitié de leurs pages, domestiques, femmes de chambres et serviteurs divers (y compris deux comptables et un notaire, qui devaient pourtant avoir mauvais goût), le jeune seigneur Edoras se retrouva à la tête d'un castel déserté de ses habitants... et par la même occasion d'un fief où la population de loup-garous avait une dangereuse tendance à rattraper celle des habitants humains (il y avait aussi une petite communauté de nains, mais tout le monde se contrefichait de leur présence).

Remis de sa gueule de bois, il revêtit donc son armure de noble et preux écuyer, et se mit en quête de son destin...

Seconde Partie : Je suis un chevalier, comme mon père avant moi.
(Version anglaise : I'm a Jedi, like my father before me)


La seigneurie Terrik avait besoin d'un bon coup de balai. Pour commencer, Edoras dut donc convaincre les domestiques de sortir des placards, afin de préparer un bon petit-déjeuner équilibré à toute son armée (qui se résumait à tous les soldats qui n'avaient pas fuis ou servis de déjeuner à son père).

Une fois ravitaillé sobrement, sire Edoras (qui venait de devenir à la fois écyer et son propre seigneur) prononça un discours digne des plus grands stratèges : "Le seul bon garou, c'est le garou mort !" Il expliqua donc que, une fois mordus et transformé (c'est à dire, lorsqu'ils n'avaient pas servis de repas), les gens qu'ils avaient connus et aimés (ou détestés) n'étaient plus des gens, mais des monstres sanguinaires qu'il fallait exterminer. Les humains qu'ils étaient étant déjà morts.

Cette importante décision politique prise, l'armée se mit en branle, ce qui n'a rien d'obscène. Village après village, ils nettoyèrent le fief, profitant parfois de l'occasion pour dérober à quelques voisins, peu appréciés, leurs diverses possessions matérielles ou la vertu de leurs femmes (qui n'avait pas qu'à placer sa vertu là, mais dans son âme, après tout). Bref, le jeune seigneur était totalement dépassé par la situation, et ses loyales armées ne lui obéirent pas totalement comme il était prévu.

L'opération fut néanmoins un succès. Bientôt, la bataille entre les loups-garous et les armées loyales quoique peu disciplinées, on l'a vu, s'engagea sur une plaine d'apparence banale, mais qui allait être le théâtre d'actions décisives.
L'inconvénient des garous d'Eres, c'est qu'une fois transformés en loups, ils ne redeviennent plus humain en attendant la pleine lune, mais le reste à demeure. Cela leur permet donc de se doter d'un véritable commandement et de fonder une sorte de société parallèle. Autrement dit : en face de l'armée seigneuriale se dressait une armée de garous aux crocs luisants, deux fois supérieure en nombre, et dirigée par un meneur qui n'était autre que le père d'Edoras.

Stupeur dans les rangs ! Les garous, au signal donné (une sorte de grognement suivi d'un rugissement sourd et de deux aboiements énergiques), se lancèrent à l'assaut des troupes humaines. Dès les premières secondes, pour un loup tué, quatre hommes mourraient, ce qui explique que l'armée seigneuriale se réduisit rapidement à pas grand chose.

C'est sur ces entrefaites qu'arrivèrent tous les nains de la région. Certes, on se fichait bien de leur présence et on feignait même de ne pas les voir, mais eux aussi avaient été attaqués par les loups d'Eres, et ils étaient bien décidés à prendre leur revanche. Ce ne sont pas quelques boules de poils qui vont apprendre à une lignée de chasseur-mineur comment se battre, sans blague !
La bataille fut terrible : pris entre deux front, les rangs des garous s'éclaircirent peu à peu, les humains ayant repris courage et luttant avec les nains afin qu'il ne soit pas dit qu'ils étaient moins courageux, ça va pas la tête ?

Sabrant toujours la masse de poils et de crocs lui faisant face, Edoras Terrik se retrouva soudain nez à nez avec le meneur des loups : celui qui avait été son propre père. N'écoutant que son courage, il batailla fermement... et finit par décapiter le monstre.

Troisième Partie : Pourquoi n'y a-t-il pas de nains à Juno ?


La bataille prit fin. Entièrement recouvert de sang et crachant des touffes de poils, sire Edoras regarda autour de lui le carnage. Seule une poignée de gardes humains avaient survécus, ceux-là même avec lesquels le seigneur avait passé la soirée à boire. Comme quoi, rien de tel que se bourrer la g... pour souder les liens entre soldats.
Quant aux nains, ils avaient tous péris dans la bataille. Leur race s'éteignit donc à Juno. Héroïquement, mais comme tout le monde se contrefichait de leur existence, l'héroïsme de leur disparition tragique laissa la population humaine indifférente.

S'avisant que ce carnage aurait pu être évité s'il avait eut de meilleures compétences de meneur d'hommes, sire Edoras rentra chez lui quelque peu déprimé. Certes, il avait hérité d'une petite seigneurie où le taux de richesse par habitant avait triplé (compte tenu que deux habitants sur trois étaient morts dans leurs lits ou dans la bataille) et où la plupart des hommes devinrent polygames (le taux de mortalité ayant été supérieur chez les hommes, composant l'armée, il se trouva donc de nombreuses jeunes et jolies veuves à remarier pour redresser la démographie). Mais cette joyeuse perspective était assombrie par les responsabilités et les conclusiosn plus personnelles.

Sire Edoras n'avait pas encore les compétences nécessaires pour être chevalier et seigneur. Il nomma donc un régent bigame, afin d'administrer la seigneurie en son absence, et s'en alla quérir l'aventure à la capitale du royaume de Juno.
Il faut ajouter, si l'on tient à la vérité, que le jeune Edoras préférait nettement occuper les tables des tavernes que les trônes seigneuriaux, et que passer ses soirées à jouer de la mandoline ou du banjo l'intéressait plus que de commander un fief de banquiers et de créanciers (la plupart des paysans, enrichis par la mort de leurs parents, ayant changé de carrière).

Ses bagages faits, il parti donc sans trop se retourner, quérir l'aventure dans le royaume d'Iris. Ses pas le menèrent bientôt dans une sombre forêt, répondant au nom de Shlipak. C'est là qu'il fut pris en otage par des elfes idiots, qui lui posèrent des énigmes toutes plus dingues les unes que les autres. Après deux bonnes réponses, ne pouvant trouver la solution à une énigme pourrie (Quelle distance atteindra la flèche tirée par un arc composite d'elfe sylvain, avec un vent de face de force trois ?), il s'énerva et décapita les deux gardes le tenant en respect.

Les elfes, encore tout remués par la vue du sang, le laissèrent s'enfuir. Quelques uns tentèrent bien de le retenir, mais ils n'avaient même pas d'armure à opposer à son épée, ces fols prétentieux. Néanmoins, ils lui avaient fait perdre à la fois son temps et le sens de l'orientation, ce qui lui valut d'arriver en retard à un rendez-vous dans une auberge, et de ne pouvoir ainsi participer à une quête d'une importance capitale (consistant à voler une statuette dans un vieux donjon). Depuis ce jour, il voue une juste colère à ces blondes d'elfes, qui croient que tout leur est permis parce qu'ils comptent leur âge en décades et pas en années.

Déçu, il arriva néanmoins chez son suzerain à Juno, où il fut rapidmeent pris en main par quelques sorcières aimables et un chevalier mercenaire ronchon.

J'ai tout lu, jusqu'au bout ... mais que dire ?
C'est impressionnant, tu as vraiment du y mettre du tien pour aboutir à un très joli résultat.
Cette présentation est juste ... géniale !

Bravo, c'est super !

Nan, en fait j'ai écris la première partie vers 2h du mat'... au moment où le cerveau est à moitié parti se coucher.

Mais merci pour le compliment.... gardez-en en réserve, quand je commence à écrire ça peut durer.

Êpilogue

Arrivé à Juno, il se mit de suite à organiser des concerts sur la place, acquérant vite son surnom de ménestrel. Il devint également écuyer du seigneur Naelyan, chef d'Onitopia.

Devenu enfin chevalier d'Appollon (comme son père avant lui, et le père de son père, et le...), il se mit en quête d'une cause à servir. C'est ainsi qu'il devint paladin. Et comme il est inscrit dans les tablettes de Wikipédia (vieux mage savant dont on doute qu'il ait réellement existé en personne) :

" Le paladin, le plus souvent, est un chevalier tirant ses pouvoirs d'une déité (ou d'un pouvoir séculier) à laquelle il a prêté allégeance ; il est généralement fidèle à sa parole, un modèle de guerrier pour l'armée qu'il inspire. En quête d'actions d'éclats et d'aventures héroïques où manifester sa bravoure, sa générosité, sa courtoisie (concernant ce dernier point, Edoras doit être l'exception qui confirme la règle, du moins à l'égard des elfes), le paladin est aussi considéré comme le bouclier de l'éthique et des croyants et comme le bras de la justice. Son devoir est également de soutenir le sens de l'équilibre voire parfois de la nature.

Ne demande ni n'exige sauf de lui-même, il tente d'être gardien d'une certaine harmonie ; il garde le statut d'un protecteur d'une bonté spontanée. Autrement dit, il est défenseur d'une nature humaine qu'il juge capable d'être digne et vertueuse. C'est d'ailleurs la dignité qui au centre des préoccupations paladines comme valeur et comme combat : en ce sens, le paladin n'est pas tant l'expression d'un manichéisme mais le symbole d'une qualité humaine. "



Tour à tour ronchon et joyeux, ayant la manie de chanter et de crier en combattant, beau parleur et dragueur, pochtron, ivrogne, fêtard et faisant preuve d'un humour (enfin, il parait que c'est de l'humour) porté à tourner en ridicule les elfes ; détestant la magie qu'il juge trop peu noble et adorant l'odeur du sang des orks, tel est sire Edoras, seigneur de Terrik.